Témoignages : Filles DES

Marianna et le syndrome du survivant

30 mai 2021

Bonjour,

Merci d’être toujours là.

Je sais que je ne suis pas constante, ni dans ma participation, ni dans mon implication auprès de vous. C’est une façon de fuir les conséquences et se dire que je ne suis pas vraiment une « fille DES ».

C’est un peu lâche.

Mais depuis que je vous ai découvert en 2010, vous êtes toujours là, et vous m’aidez toujours, alors merci. Tellement d’activités associatives meurent par le manque de reprise des générations. (Je ne peux malheureusement me découper entre ma famille et mes multiples activités dont associatives.)

J’ai eu la chance de pouvoir avoir des enfants malgré mon « passé DES » (2010, 2012 et grossesse gémellaire en 2016).

Mais psychologiquement, les dégâts sont tout de même là… pas uniquement le DES mais la perte de son premier enfant de ma mère.

Et là, votre flyer sur le dépistage à suivre pour les cancers, il est tout simplement génial. Vos collaborations avec les autres associations sont tellement bénéfiques.

Alors je vous remercie et je m’excuse de ne pas pouvoir plus m’impliquer que ce que je le fais par ma cotisation. Etant née à Paris de mère polonaise en 1982, après uniquement les 3 premiers mois de grossesse sous distilbène, car arrivée en France l’arrêt du distilbène était déjà acté, je suis un cas non pris en compte, car née trop tard… c’est le côté administratif de la non-prise en charge en France.

Alors merci pour les actions que vous avez menées jusque là.

Marianna

Nous avons demandé à Marianna l’autorisation de publier son message. Sa réponse :

Bonjour,

Pas de problème pour publier mon témoignage.

Je n’ai pas besoin de rester anonyme.

J’aurais réarrangé un peu le témoignage si j’avais su… prenez ce qui vous intéresse.

Vendredi matin, j’ai encore eu une révélation sur mon impact psychologique :

Le premier était l’annonce par ma mère que je n’aurai pas d’enfants car elle a pris ce distilbène. J’ai mémorisé cette annonce comme si on me l’annonçait entre le fromage et le dessert et qu’on m’a laissé seule avec cette lourde information, certaine, incertaine…

L’envie irrépressible d’avoir des enfants, beaucoup (15 je disais étant petite).

Puis quand je suis tombée enceinte, à 3 mois, j’avais oublié mon passé, la panique m’a rattrapée. Et j’ai pu être parfaitement suivie à domicile par une sage-femme venant de la PMI qui complétait le suivi mensuel de l’hôpital.

Naissance à terme, sans complication, nous tirons un trait sur mon infertilité liée au distilbène.

Mais au 2ème enfant, après sa naissance, je n’y arrive pas. Je passe par un suivi psychologique. Elle détecte tout de suite que je suis une enfant née après la perte d’un enfant. (Elle-même, dans la même situation, s’appelle Stéphane).

Puis grossesse gémellaire, à tirer la corde, je fini en burn out à leur 1 an et demi.

Je réalise alors que j’ai intériorisé la perte de l’enfant de ma mère. Que je vis avec cette peur à mon tour d’en perdre un. Et pour m’en prémunir, j’en veux beaucoup, pensant que cela «compenserait». Mais je réalise qu’en avoir plus, c’est perdre le contrôle, ne pas être capable de tout assumer et d’aller donc vers cette perte que j’essaie d’éviter.

Finalement, ce vendredi, je lis un témoignage d’une maman née après un grand frère parti trop tôt. Et je découvre le syndrome du survivant. Le poids sur les épaules du regard de mes parents, de l’impossible deuil, pourquoi moi j’ai survécu et pas lui ? La culpabilité, le devoir de vivre pour 2, de rendre heureux mes parents… le perfectionnisme qui en découle.

Je continue mon chemin avec vous à mes côtés.

Le dépistage que je ne voulais plus faire à un moment, car je ne voulais pas savoir, pas affronter.

Et là, pour mes enfants, pour mon mari et enfin pour moi, je l’ai repris. Comme j’apprends à prendre soin de moi pour moi, et je me fais aider à nouveau par une psychologue pour rechercher les blessures émotionnelles qui ont marqué mon inconscient et qui ressurgissent dans ma vie et cette mésestime ancrée au fond de moi.

Tout, au final, revient vers cet enfant perdu, vers ce distilbène et sur les conséquences que cela a eu.

Mes disputes avec les relations que j’avais avant : « cela ne sert à rien de rester avec moi, de toute manière je ne te donnerai pas d’enfants…» un cri de blessure, de douleur… toujours présente mais différemment maintenant.

Nul doute que votre association nous permet de nous retrouver, de partager des armes pour se défendre et des solutions pour guérir, suivre, et reprendre une vie la plus apaisée possible.

Merci encore.