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Perturbateurs Endocriniens : des connaissances scientifiques à l’action publique

21 avril 2017

Le DES est le modèle utilisé par les chercheurs travaillant sur les perturbateurs endocriniens (PE). 

Cette journée d’étude s’est tenue à Paris, dans le cadre de « Propublics », un programme de l’Université de recherche Paris Sciences et Lettres. Géraldine, membre du Conseil d’Administration, y a assisté. 

conférence perturbateurs endocriniens

Les perturbateurs endocriniens, un modèle… 

Le problème des Perturbateurs Endocriniens a été présenté comme un modèle : sous les aspects du droit, de la puissance des lobbies et de la politique, et de la science.

Ana Soto et Nathalie Jas ont introduit le séminaire. Nathalie Jas, sociologue, s’intéresse en particulier aux problèmes de santé publique posés par les pesticides (effets des pesticides sur la santé, construction des savoirs scientifiques, élaboration et mise en œuvre des politiques publiques visant à les limiter). Ana Soto est endocrinologue, chercheuse en biologie cellulaire, internationalement reconnue. 

L’introduction, intitulée « La science des perturbateurs endocriniens, une science sans effet sur l’action publique ? » a posé le problème de l’inertie, vue sous un aspect sociologique. Dès 1991, les scientifiques ont démontré que les Perturbateurs Endocriniens (PE, dont le DES) jouaient un rôle déterminant, mais à l’époque ils ont été peu entendus. 

« Le droit comme ressource ? » 

était le thème de la matinée, animé par Didier Torny (CNRS) et Emmanuelle Fillion (EHESP), tous deux sociologues, Béatrice Parance (professeur à l’Université Paris 8, droit de la santé) et Jean-Louis Roumegas (député de l’Hérault, Président du Groupe étude Santé/Environnement à l’Assemblée Nationale).

Aujourd’hui, comment tirer la sonnette d’alarme pour protéger les individus ? Doit-on renforcer le droit sur ce plan ou agir directement au niveau européen, sur un plan législatif ?

L’expérience du PE Distilbène est très importante au regard du droit. D. Torny et E. Fillion expliquent la difficulté qu’ont d’abord eue les juges civils pour prendre en compte la situation des victimes d’effets indésirables du Distilbène (effets à très long terme, transgénérationnels, pathologies multifactorielles…), et leur demande de réparation devant les tribunaux. Malgré d’indéniables avancées de la jurisprudence, l’expérience du recours judiciaire et les modalités de la réparation des effets délétères du DES s’avèrent souvent frustrantes sur le plan individuel (durée et opacité des procédures, grande incertitude de l’issue du procès dans les nombreux cas de pathologies multifactorielles, incommensurabilité des dommages vécus et de leur réparation financière….), même si les procès gagnés constituent des victoires sur le plan collectif. Ce sont bien en effet les procès des années 2000 qui ont enfin donné sa visibilité au Distilbène dans l’espace public, que lui avaient refusée les institutions de santé publique et la profession médicale. Les avancées jurisprudentielles obtenues dans le cadre du contentieux Distilbène pourront être mobilisées dans d’autres contentieux associés aux effets délétères de produits chimiques…

Du point de vue des victimes, on peut donc se demander si la scène judiciaire n’a pas permis davantage la reconnaissance que la réparation.

B. Parance a été sensibilisée aux PE par les accidents de Seveso et AZF. Elle a présenté une réflexion prospective sur la responsabilité des producteurs de PE. 

J.L. Roumégas, quant à lui, a fait un « état des lieux » de la législation française et européenne en matière de protection des populations face aux perturbateurs endocriniens.

Si le Distilbène ne faisait l’objet que d’un item, dans l’intervention des sociologues, il a en fait été un sujet de discussion, de référence, toute la matinée !

« Lobbying et (non) transformation de l’action publique » 

…était le thème des discussions de l’après-midi. Stéphane Foucart (journaliste au Monde), avait titré son intervention « Les perturbateurs endocriniens et les médias : un rendez-vous manqué ». 

Stéphane Horel (journaliste indépendante) a abordé le thème des conflits d’intérêts, des mécanismes utilisés par les différents lobbies. Ce sujet a été particulièrement détaillé par Martin Pigeon, chercheur et militant pour Corporate Europe Observatory (CEO), une ONG spécialisée dans la surveillance des activités des lobbys à Bruxelles. Il a décrit les stratégies utilisées par les industriels pour contrer les tentatives européennes de réglementation des perturbateurs endocriniens. 

Conclusion de la journée

Enfin, Mathias Girel, co-organisateur de cette journée, a pris la parole. Maître de conférence en philosophie à l’Ecole Normale Supérieure, il mène des recherches sur des questions d’histoire et de philosophie des sciences, notamment sur la « production » de l’ignorance et sur les stratégies d’instrumentalisation du doute à l’égard des sciences. Il a fait une synthèse des différents thèmes abordés et a clôturé le séminaire en animant un débat.