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Un rapport de l’Assemblée Nationale juge décevants les dispositifs actuels

30 septembre 2020

En janvier et septembre 2016, les termes de la loi et du décret d’application sur l’action de groupe en santé avaient considérablement refroidi l’espoir suscité par cette nouvelle procédure. La publication d’un rapport parlementaire sur le bilan et les perspectives des actions de groupe, le 11 juin 2020, nous donne l’occasion de revenir sur le sujet.

Fruit de la mission d’information menée depuis juillet 2019 par Mme Laurence Vichnievsky (MODEM, Puy-de-Dôme) et Philippe Gosselin (LR, Manche), à la demande de la Commission des Lois, ce rapport présente les difficultés des situations qui s’opposent à l’ouverture de ces procédures et propose des pistes pour en améliorer l’efficacité. 

L’action de groupe est possible depuis 2014 dans le domaine de la consommation. La loi de l’action de groupe en santé, votée le 26 janvier 2016, a été insérée dans la loi dite « Justice du XXIème siècle », le 18 novembre 2016. Un cadre commun de l’action de groupe a été créé, applicable à des actions en matière de lutte contre la discrimination, d’environnement, de données personnelles… Certains éléments ont également été précisés.

Quelques repères

En cas d’action de groupe, les règles judiciaires du Civil continuent de s’appliquer : 

  • En matière de dommages corporels, le délai de prescription est de 10 ans (au delà on ne peut plus agir en justice),
  • Les victimes ont la charge de la preuve : s’agissant du DES, preuve d’exposition in utero, puis que l’exposition est bien à l’origine des préjudices.
  • Le coût de la procédure est à la charge des parties, ces sommes étant versées quelle que soit l’issue du procès : honoraires d’avocats, de greffe, des autres auxiliaires de Justice (huissiers de Justice, avoués), frais d’expertise, mais aussi frais de déplacement… 

Déroulé de l’action de groupe en santé

L’action doit être fondée sur un dommage constaté de manière identique par des usagers du système de santé et ayant pour cause commune un manquement.

Deux étapes à franchir :

  • Dans un premier temps un jugement sur la responsabilité, prononcé sur la base d’au moins 2 dossiers engagés pour un préjudice similaire. Il définit le groupe de victimes concernées avec les critères de rattachement au groupe.
  • Puis, dans un second temps, la phase de mise en œuvre du jugement et de réparation individuelle des préjudices (dossiers étudiés un à un). Le recours à la médiation est également prévu par le législateur.

Le constat d’un bilan décevant 

Un élément révélateur, le petit nombre d’actions engagées. Seules 21 actions de groupe ont été intentées depuis 2014 : 14 dans le domaine de la consommation, 3 en santé*, 2 concernant les données personnelles, 2 en matière de discrimination, aucune en matière environnementale. A ce jour, aucune entreprise n’a encore vu sa responsabilité engagée.

Les difficultés liées aux procédures de groupe poussent les victimes à engager d’autres types de procédures. Par exemple, l’action collective conjointe de patients à l’encontre du laboratoire Merck pour défaut d’information sur les effets secondaires du Levothyrox : les tribunaux traitent une masse de dossiers qui demeurent individuels.

Plusieurs freins relevés

Mme Vichnievsky et M. Gosselin ont analysé plusieurs de ces difficultés, comme le manque de lisibilité entre les différents dispositifs ou le nombre réduit d’associations pouvant engager une procédure. Sans détailler tous les obstacles, citons :

La disparité des préjudices indemnisables

Actuellement, en fonction de l’action de groupe engagée, certains préjudices peuvent être indemnisés, d’autres pas. Pour l’action de groupe en santé, seul le préjudice corporel, c’est à dire une atteinte à la santé ou à l’intégrité physique ou mentale d’une personne (blessure, maladie…) peut être réparé. La procédure ne prévoit pas l’indemnisation du préjudice moral ou financier de la victime ni de son entourage.

Un frein majeur au développement des actions de groupe : leur financement

En effet, l’association agréée qui intente une action de groupe n’agit pas en son nom et ne touche, par conséquent, aucune indemnisation en cas de reconnaissance de la responsabilité de l’entreprise. Par ailleurs, les consommateurs ne financent pas l’action de groupe, puisqu’ils ne participent pas au paiement des frais (avocats, experts…)  et que leur adhésion à l’association n’est pas nécessaire pour que l’association fasse un recours. L’association ne peut que compter que sur ses ressources propres et supporte le poids financier, matériel et humain de l’exécution du jugement. 

Des provisions sur frais ne peuvent être sollicitées qu’après la déclaration de responsabilité : l’association doit donc attendre, durant plusieurs années, la première décision sur la responsabilité et supporter tous les frais initiaux.

Par ailleurs, les frais engagés ne sont remboursés que partiellement à la partie gagnante au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Un calendrier opportun pour une réforme

Une nouvelle directive européenne relative aux actions de groupe dont le projet a été présenté le 11 avril 2018 par la Commission européenne, a été adoptée le 24 novembre 2020 .

Des pistes d’amélioration

Au fil de leurs constats, les auteurs du rapport émettent 13 propositions d’amélioration du dispositif, parmi lesquelles :

  • Mettre en place un vrai cadre commun à toutes les actions de groupe
  • Elargir les critères donnant aux associations la qualité d’agir
  • Prévoir une réparation intégrale des préjudices, quelle que soit leur nature, pour les requérants des actions de groupe.
  • Améliorer la visibilité des actions de groupe intentées (créer un registre consultable par tous, autoriser de faire la publicité d’une procédure)
  • Donner une compétence exclusive à certains tribunaux judiciaires pour harmoniser et sécuriser la jurisprudence, faciliter l’organisation des services du greffe.

Pour améliorer le financement des actions de groupe par les associations :

  • Réformer l’article 700 du code de procédure civile afin de permettre un remboursement plus complet des frais engagés par les associations.
  • Ajouter une disposition tendant à faire supporter les dépens au Trésor public, en cas d’échec d’une action de groupe, lorsque celle-ci a été engagée sur des bases sérieuses.

S’agissant d’un frein qualifié de majeur par les auteurs du rapport, ces propositions nous semblent pour le moins timides, puisqu’elles n’interviendraient qu’à l’issue d’une procédure.

 3 actions de groupe en santé :

  • l’APESAC contre le laboratoire Sanofi pour les conséquences du valproate (Dépakine) chez des enfants exposés in utero.
  • RESIST contre le laboratoire Bayer : effets indésirables des implants contraceptifs Essure,
  • L’AAAVAM à l’encontre du laboratoire Bayer : effets indésirables de l’Androcur

Pour aller plus loin :