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Publication d’un nouvel article scientifique

22 mars 2021

En juin dernier, nous vous informions d’une première analyse des informations recueillies grâce au questionnaire « Filles DES », quel est votre suivi gynécologique ? Nous ne nous sommes pas arrêtés là !

En décembre, les résultats ont été publiés dans le Journal of Gynecology Obstetrics and Human Reproduction.

Pourquoi cette publication dans un journal médical, et en anglais ?

  • Les « filles DES », âgées en France de 44 à 71 ans en 2021, ont un risque accru de deux types de cancers du col de l’utérus et du vagin.
  • Leur dépistage est différent de celui de la population générale pour son rythme, sa durée et les analyses demandées.
  • L’information des professionnels de santé pour les « maladies rares » fait partie des nouveaux rôles des associations de patients : les auteurs de cette publication se répartissent en deux médecins et deux responsables d’association.
  • La publication dans un journal sélectif, à comité de lecture, est un passage obligé pour que des données soient reconnues sur le plan scientifique. La diffusion de l’information scientifique passe par l’anglais, alors qu’il s’agit du journal de gynécologie-obstétrique de référence en France : Sorry.

Résumé de l’article

Buts. 

Au total, 80 000 femmes ont été exposées au DES in utero en France entre 1950 et 1977. L’histoire du DES n’est pas close mais les conséquences de cette exposition évoluent avec l’avancée de leur âge. Après avoir été dominée par la prise en charge de l’infertilité et des accidents de grossesse, la surveillance doit s’adapter à l’augmentation des risques de cancers gynécologiques du col et du vagin : doublement de fréquence des dysplasies sévères (état précancéreux), et risque d’Adénocarcinomes à Cellules Claires (ACC) tardifs.

Deux changements récents du dépistage dans la population générale, introduction des tests HPV et Dépistage Organisé, incitent aussi à faire le point sur ce sujet.

Notre but est double : évaluer l’observance des recommandations chez des femmes exposées au DES et préciser les modalités de dépistage spécifiques dans ce nouveau contexte.

Méthode. 

Notre association a réalisé une enquête par questionnaires auprès de ses adhérentes exposées au DES in utero.

Résultats

Resultats Questionnaire Suivi Filles DES Reseau DES France
Figure 1- type de dépistage : annuel, dans les trois dernières années, antérieur à 3 ans.

Parmi les 574 participantes,

  • 64% déclarent suivre la recommandation de frottis annuel,
  • 25% avoir eu un frottis dans les 3 ans
  • et 11 % un frottis plus ancien ou absent (figure 1).

Le taux de surveillance annuel est supérieur chez les femmes informées du questionnaire par La Lettre, 67%, comparées à celles qui ont été informées par les réseaux sociaux (Facebook de l’association), 51%.

2020 Resultat Enquete Suivi Gyneco Filles Distilbene Resesau DES France Informees La Lettre
2020 Resultat Enquete Suivi Gyneco Filles Distilbene Reseau DES France Informees FaceBook

Les raisons de ces « décrochages » sont multiples : 

1/ Déficit d’information : méconnaissance des recommandations par les médecins (38%) ou les patientes (30%), recommandations connues mais non prises en compte par les praticiens (27%) ;

2/ Difficultés liées au parcours des femmes : lassitude (32%), appréhension des examens ou des résultats (15%) ;

3/ Accès aux soins limité : délai de rendez-vous (29%), difficulté à trouver un médecin (28%), médecin retraité (16%), frein financier (6%).

Conclusion

Ces résultats concernent un échantillon de femmes sensibilisées car adhérentes d’une association. Ils sont encourageants puisque 89% ont eu un dépistage annuel ou dans les trois ans avec donc 11% de « décrocheuses ». Ce taux est à comparer avec celui de 40% de femmes de la population générale ne pratiquant aucun frottis. Ceci confirme l’importance de l’information dans la prise en charge de ces patientes. Il importe d’améliorer le dépistage pour l’ensemble des 80 000 femmes concernée, grâce à l’information des « filles DES » mais aussi des professionnels de santé : gynécologues, médecins généralistes et sages-femmes. Pour cette « maladie rare » les associations de patients peuvent donc jouer un rôle essentiel.

Nous rappelons ci-dessous les recommandations actuelles de dépistage pour les femmes exposées au DES in utero.

Commentaires

Risque de cancers du col de l’utérus et du vagin. 

Les dysplasies sont des anomalies des cellules du col de l’utérus ou du vagin, dues aux virus HPV (Human Papilloma Virus) qui peuvent évoluer, après des années et en l’absence de traitement, vers un cancer. Chez les « filles DES » leur fréquence est multipliée par deux environ et elles ont la particularité de pouvoir se situer au niveau du vagin en plus de la localisation habituelle sur le col, d’où la recommandation de frottis avec prélèvement sur le vagin en plus du prélèvement sur le col, et à poursuivre après hystérectomie.

Chez les « filles DES » des cas tardifs d’adénocarcinomes à cellules claires (ACC) ont été publiés. De plus, pour les ACC survenant chez des femmes non exposées au DES, il se produit un deuxième pic de fréquence à 70 ans environ, âge que peu de « filles DES » ont atteint actuellement. Ces cancers ne sont pas liés aux virus HPV. C’est une deuxième raison de recommander un frottis annuel avec examen des cellules (et non test HPV), à poursuivre après 65 ans et après hystérectomie.

Dépistage en pratique : frottis, analyse des cellules et test HPV .

Le dépistage permet de découvrir des anomalies et de les surveiller : elles disparaissent le plus souvent spontanément. Si nécessaire elles seront traitées avant une aggravation, avant d’avoir eu le temps de se transformer en cancer (plusieurs années).

Deux tests de dépistage sont possibles à partir d’un même prélèvement gynécologique :

1 l’analyse des cellules permet de repérer des dysplasies, états précancéreux, qui comportent deux niveaux de gravité, « bas grade » et « haut grade »,

2 le test HPV, recherche de virus HPV dont certains sont responsables des cancers.

Référence

Tournaire M, Devouche E, Lafaye N, Levadou A. Screening for cancers of the cervix and vagina for women exposed to diethylstilbestrol (DES) in utero. J Gynecol Obstet Hum Reprod. 2020 Dec 10;50(7):102042. doi: 10.1016/j.jogoh.2020.102042. Epub ahead of print. PMID: 33310134.

Recommandations de dépistage

Recommandations depuis 2020 pour la population générale

• de 25 à 29 ans analyse des cellules, tous les trois ans,

•de 30 à 65 ans test HPV tous les 5 ans.

Ceci concerne le dépistage individuel mais aussi le Dépistage Organisé, (comparable au dépistage du cancer du sein), qui se met en place maintenant (2021).

Recommandations pour les « filles DES »

Ce dépistage diffère de celui de la population générale :

• pour les dates,

– dépistage annuel et non tous les 3 ou 5 ans,

– à poursuivre au-delà de 65 ans,

– et après hystérectomie.

• pour la méthode,

– prélèvement au niveau du vagin en plus du prélèvement habituel au niveau du col. Noter que ce prélèvement complémentaire, au niveau du vagin, qui se fait avec le dispositif déjà utilisé pour le col et fait partie de certaines recommandations internationales, n’est pas obligatoire. (Avis de la Société Française de Colposcopie et de Pathologie Cervico Vaginale – SFCPCV).

– examen des cellules en première intention (et non le test HPV qui n’est pas adapté à l’ACC).

– recueil en milieu liquide (permettant, le cas échéant, de réaliser un test HPV complémentaire sur le même prélèvement).