Un mot d’accompagnement… 

Cette lettre était restée en jachère au fond d’un tiroir. Et puis, ces derniers jours, le chagrin et la colère sont revenus. 

Valentine, une collègue, vient de perdre à 5 mois de grossesse, son bébé. J’avais su juste avant qu’elle ne soit arrêtée, qu’elle aussi était une «fille DES». 

Je m’interroge. Comment se fait-il qu’après toutes ces années de combat, les médecins n’aient pas pris plus de précautions (cerclage, repos) ? 

Je pense qu’aujourd’hui encore, il ne faut pas hésiter à se rendre dans une consultation spéciale DES (Strasbourg, Grenoble ou Paris). 

Delphine

Mon « parcours Distilbène »

Ma mère a pris du Distilbène étant enceinte de moi-même, pour risque de fausse couche. Je l’ai appris au moment de la puberté, quand elle m’a informée des conséquences du DES. J’avais des règles irrégulières. Elle m’a emmenée consulter son gynécologue. Tous les 6 mois, il me faisait des frottis vaginaux pour dépister d’éventuelles anomalies au col utérin. Il m’a prescrit un traitement (du Duphaston) pour déclencher les cycles. Je me souviens également d’avoir eu des séances de laser (il fallait soi-disant brûler une petite membrane qui pouvait à l’avenir fabriquer des cellules cancéreuses). 

Avant ma première grossesse, j’ai dû passer une hystérosalpingographie qui a révélé un petit utérus. J’étais suivie dans un grand centre. Lorsque je suis retournée voir mon gynécologue, il m’a dit textuellement : « pour une grossesse, je ne peux rien vous promettre, cela peut être dans 3, 6 mois, voire 1 an ou jamais. » La chance a voulu que je tombe enceinte 3 mois plus tard. 

Ma grossesse dans l’ensemble s’est déroulée doucement. J’ai arrêté de travailler à 4 mois 1/2 de grossesse. Je faisais attention tout en menant une vie normale, mais j’étais fatiguée. 

A 6 mois 1/2, le bébé était déjà descendu, malgré les visites chez un gynécologue proche de chez moi pour limiter les déplacements. 

Laura est née à 34 semaines d’aménorrhée + 4 jours. Elle pesait 2,080 kg. Elle est allée 10 jours en néonat. J’étais fatiguée, avec un gros manque de fer, mais contente d’avoir pu mener une grossesse. Devant ce petit bout, mon mari et moi-même étions en extase. Nous communiquions avec elle en passant nos mains dans l’incubateur. Nous ne lui avons jamais caché qu’elle s’était trouvée, comme elle dit, « dans un aquarium ». C’est une enfant pleine de vie, très tonique. 

Trois longues années se sont écoulées, le désir d’avoir un autre enfant s’est fait ressentir. Si, pour Laura, je suis tombée enceinte rapidement, là, ce n’a pas été le cas. 

Je suis retournée voir mon gynécologue : après une prescription de 6 mois de Clomid qui n’a débouché sur aucun résultat, il nous a suggéré une FIV. Ce n’était pas notre souhait. Mais après un temps de réflexion, j’ai fini par accepter, malgré le traitement lourd et la fatigue que cela engendre. 

A un mois 1/2 de grossesse, j’ai eu des saignements. Je suis retournée en urgence voir mon gynécologue qui m’a fait passer une échographie ; il n’y avait pour lui rien d’anormal, mais dès ce jour j’ai été mise en arrêt de travail. Tout comme pour mon aînée, je menais ma petite vie normalement, mais en faisant beaucoup plus attention, avec des visites régulières chez le gynécologue proche de chez moi, comme pour l’aînée. Après la visite des 4 mois 1/2, j’ai dû rester alitée avec visite de la sage-femme à domicile, et du Spasfon. Il faut dire qu’elle avait trouvé les mots pour que je reste tranquille, moi qui suis très active de tempérament. 

Ce qui m’a semblé le plus difficile durant cette grossesse, c’était de me retrouver alitée, sans rien faire à la maison, avec, sans le dire, la peur de perdre cet enfant tant attendu et désiré, ou la peur qu’il soit un grand prématuré, avec les risques, par la suite, pour lui. 

A 5 mois 1/2, le bébé était descendu, mais j’ai eu le droit d’aller chez mes parents à Noël, avec repos strict au lit. Cependant, le fait de sortir de chez moi m’avait fait moralement du bien. 

Ma grossesse continuait d’avancer, puis sont arrivées les piqûres de progestérone retard ! Ça faisait mal, ça me rassurait sur la venue du bébé qui était sans cesse retardée par ces injections, et c’était en même temps inquiétant de se dire qu’à nouveau le sort de ce bébé était lié à la chimie. Ce raisonnement, c’est maintenant que je le fais, après avoir vécu ce qui m’est arrivé à l’accouchement ; je me dis : « ces traitements pris auparavant n’auront-ils pas de conséquence sur ma fille, dans 20 ans ? ». 

J’ai eu la chance d’être entourée par ma famille et mes collègues, qui me téléphonaient… 

Dans ces moments-là, on s’efforce de faire belle figure durant les visites, mais on craque une fois que l’on est seule. 

Mon mari, pendant ce temps, gérait comme il le pouvait ma fille aînée, la maison, ainsi que mes sautes d’humeurs.

Pendant ma grossesse, ce qui m’a permis de tenir moralement, malgré les hauts et les bas, c’était de lire les témoignages dans la revue La lettre.

Ma fille Emilie est née à 8 jours du terme, après rupture de la poche des eaux. Elle pesait 3,580 kg. Elle était en parfaite santé. 

L’accouchement s’était déroulé parfaitement, jusqu’à ce que je fasse une hémorragie de la délivrance. Ils m’ont fait une hystérectomie de sauvetage : j’avais perdu environ 3 litres de sang. La pensée qui m’est venue à l’esprit : « je viens de mettre un enfant au monde, je ne le verrai pas grandir. ». 

Ré-intervention en urgence l’après-midi même, avec à nouveau une déglobulisation et une hémoglobine à 2g. Dans ce moment-là, ce qui m’a le plus traumatisée, c’était d’entendre le chirurgien et le gynécologue se parler, sans que je puisse réagir. Sans oublier l’éternel « couloir de la mort », avec sa vie de petite fille qu’on voit défiler… 

Je suis restée une semaine en réanimation. Les médecins ont attendu 72 h avant de pouvoir se prononcer. J’ai reçu 20 culots de sang, 18 de plaquettes et autant de plasma. 

Lorsque je suis allée un peu mieux, on a pu m’apporter Emilie dans un incubateur, afin d’éviter qu’elle attrape des microbes. 

Malgré ma fatigue, je continue d’apprécier ces moments où je suis seule avec ma pépette, qui a dû comprendre et ressentir ce qui s’était passé. C’est une enfant calme, qui ne pleure pas pour rien. Elle est aujourd’hui en parfaite santé. Elle commence à gazouiller et elle marche. 

Mon accouchement remonte à 14 mois ; je n’ai toujours pu reprendre le travail. 

Il faut dire que j’en ai longtemps voulu à ma mère d’avoir pris ces traitements, mais après ce qui m’est arrivé et sa présence auprès de moi, j’en ai oublié ma rancoeur. 

J’écris ce témoignage 1 an et demi après avoir vécu ces difficultés, avec l’espoir, les ayant dites, de les oublier, et de les faire oublier à mes deux filles, surtout à l’aînée qui a compris beaucoup de choses… même si avoir failli mourir m’a transformée psychologiquement. 

Je voudrais surtout faire comprendre que le Distilbène, qui était soi-disant la pilule miracle de l’époque, a fait de gros dégâts, qui pourraient avoir des conséquences irréversibles. 

Julie.