Le fils d’Hélène, né prématurément et porteur d’un handicap lourd, a obtenu gain de cause auprès du Tribunal de Nanterre le 10 avril 2009. Elle a accepté de répondre à quelques questions.
Pourquoi avez-vous décidé d’assigner UCB Pharma en justice ?
Hélène : Mon but a toujours été de faire valoir les droits en justice de mon fils, ce n’était pas pour moi. J’ai décidé de mener ce combat pour qu’après ma disparition, mon enfant ait une vie digne. Je le fais également pour que nous soyons, lui comme moi, reconnus comme victimes, ainsi que ma mère (à titre posthume, ma mère étant décédée il y a 5 ans).
Je savais par avance que les procédures dureraient plusieurs années, mais cela n’a pas été un frein puisque mon combat était tourné vers l’avenir, à longue échéance, de mon fils.
Disposez-vous d’un « document-source » ?
Hélène : Oui ! Ce qui a rendu possible l’assignation est cette «preuve miraculeuse» : imaginez-vous que, 45 ans après ma naissance, j’ai retrouvé le dossier médical de ma mère !
D’ailleurs, je ne peux que conseiller aux «filles DES» qui recherchent leur dossier de se déplacer dans les hôpitaux, auprès des services des relations avec les usagers. Pour moi, c’est plus efficace que d’écrire. Même si on hésite à intenter une procédure, il faut demander son dossier : plus le temps passe, plus il sera difficile de se le procurer…
Pourquoi avoir attendu toutes ces années pour assigner UCB Pharma ?
Hélène : Au début de la vie de l’enfant, on consacre beaucoup d’énergie à sa prise en charge, à intégrer son handicap. Ensuite, on a davantage d’énergie pour se lancer dans une procédure.
J’ai su, en voyant le reportage d’Arte en février 2002 : « Sans principe ni précaution », que des procédures avaient été engagées et j’ai tout de suite contacté les « avocates d’Orléans ».
Il faut savoir qu’on aura à travailler énormément soi-même sur le dossier ; on devra le suivre de près, y accorder
du temps, même si c’est douloureux, parce que cela fait remonter des choses difficiles. Dans ce type de dossier, chaque mot se révèle important.
Heureusement, dès le début j’ai été énormément soutenue par une amie médecin qui a relu les dossiers avec moi et a réalisé une synthèse. C’est très important d’être épaulée et là encore, je voudrais conseiller aux femmes souhaitant engager une procédure de chercher un soutien (par exemple auprès d’une personne plus avancée dans la procédure).
Donc, c’est en 2005 que l’assignation au nom de votre fils a été faite. Que s’est-il passé entre cette date et le jugement du 10 avril 2009 ?
Hélène : Le Tribunal a ordonné une première expertise, qui a eu lieu en deux temps. Elle a commencé par l’examen de mon dossier médical, pour définir les causes de la prématurité de mon fils. Les experts ont recherché toutes les causes possibles. J’ai dû prouver que j’avais été arrêtée très tôt dans ma grossesse, que je m’étais reposée, que je n’étais pas fumeuse.
Finalement, les experts ont conclu qu’il était très vraisemblable que le DES soit le suspect n°1, que la prématurité de mon fils soit en rapport avec l’hypoplasie utérine maternelle et que les séquelles actuelles de mon fils soient en rapport exclusif avec la prématurité. Ils ont alors examiné son dossier médical.
Un mois plus tard, nous avons été convoqués à une seconde expertise. L’objectif était, cette fois, l’évaluation du préjudice.
Je dois vous préciser que, pendant ces expertises, nous avions demandé à un professeur en médecine ayant publié sur le DES d’être auprès de nous. Nous étions donc accompagnés par notre propre expert, indépendant. Il a tenu un rôle prépondérant, précisant notamment que la prise en charge de Louis à sa naissance avait bien été conforme aux protocoles de soins de l’époque. Il a rédigé son propre rapport, en plus de celui établi par le collège d’experts nommés par le Tribunal. Les juges ont, par la suite, tenu compte de ses écrits, dont ils ont repris beaucoup d’éléments dans le jugement. Le surcoût lié au recours à cet expert «complémentaire» a été largement compensé par la qualité et l’impact du rapport qu’il a établi.
En mars 2009, lors de la plaidoirie, l’avocate a affronté les trois avocats représentant UCB Pharma et la Zurich Assurances (assureur d’UCB Pharma). Les préjudices reconnus dans le jugement du 10 avril 2009 concernent également mon vécu parental, la réduction de mon temps de travail, mon rôle auprès de mon fils en tant qu’assistante tierce personne… La reconnaissance ne s’arrête pas à l’état de santé de mon fils, mais tient compte de l’impact, sur la vie de toute notre famille, de son handicap.
Je sais que ce combat n’est pas terminé : UCB Pharma s’est pourvu en appel… Mais j’ai le sentiment d’avoir gagné la première manche et maintenant, je m’endors le soir en sachant que l’avenir de mon fils est assuré ; alors, ester en justice en valait largement la peine !
Merci, Hélène, de votre témoignage.