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Distilbène, Stilboestrol Borne : que « disait » le Dictionnaire Vidal ?

28 septembre 2012

Nous souhaitions disposer de données plus précises sur les posologies conseillées, comme sur les différentes présentations de Distilbène et de Stilboestrol Borne. Nous vous livrons une synthèse des recherches menées en bibliothèque, où différentes éditions du Dictionnaire Vidal, entre 1938 et 1988, ont pu être consultées.

Historique

Le Distilbène apparaît pour la première fois dans le Vidal de 1940. Les indications du DES pendant la grossesse n’apparaissent pas jusqu’à l’édition 1950 (comprise).

En revanche, l’indication d’aménorrhée secondaire (absence de règles chez une femme antérieurement réglée) est notée dès 1940. Une des causes d’aménorrhée secondaire étant bien sûr une grossesse débutante, les premiers enfants exposés in utero au DES ont pu naître dès cette date. En effet, des doses quotidiennes ou tous les deux jours étaient prises durant une dizaine de jours, les règles devant survenir quelques jours après l’arrêt du traitement. Leur « non-retour » était alors un signe en faveur d’une grossesse : le DES ayant été utilisé, en quelque sorte, comme test de grossesse.

Jusqu’en 1950, le Distilbène était commercialisé par les laboratoires Borne. En 1952, sont commercialisés : le Distilbène, par le laboratoire UCEPHA et le Stilboestrol Borne, par les laboratoires Borne. Cette même année, les indications durant la grossesse apparaissent, dans les textes des deux médicaments.

Prescriptions liées aux grossesses

Pour le Distilbène, qui a été le plus prescrit…

Distilbene Boites Dragees 5mg Roses Et 25mg Vertes

De 1953 à 1960, le texte publié dans le Vidal conseille, en cas de « menace d’avortement : 5 à 10 mg toutes les heures jusqu’à l’arrêt des contractions », puis cette indication disparaît pour réapparaître en 1964 et 65, avec d’autres posologies.

L’avortement, qualifié d’ « habituel » (avortements à répétition) jusqu’en 1960, se traite par « 25 mg par jour en moyenne, durant toute la grossesse, jusqu’à 15 jours avant terme ».

En 1962 et 63, il s’agit « d’avortements spontanés habituels : posologie des Smith ou 5mg par jour à la 4ème semaine (à partir des règles dernières) en augmentant la dose quotidienne de 5 mg tous les 15 jours ». Le protocole « Smith et Smith », prévoyant une augmentation des doses de 5mg toutes les semaines à partir de la 20ème semaine, a en fait été peu prescrit.

De 1966 à 1975, il est écrit : « avortements spontanés à répétition : en moyenne, 5 mg par jour à partir de la 6ème semaine. Augmenter de 5 mg toutes les 2 semaines. »

En 1976, on ne retrouve plus d’indication pour la grossesse. La contre-indication « grossesse » apparaît pour la première fois en 1977.

En 1984, un usage, n’ayant jamais figuré parmi les indications, est noté sous la forme d’une contre- indication : « Il est formellement contre-indiqué chez la femme enceinte car des adénoses vaginales et des adénocarcinomes du vagin ont été signalés chez les filles de mères traitées au cours de la grossesse, ainsi que des anomalies de l’appareil génital chez le garçon. Pour la même raison, Distilbène 25 ne doit pas être utilisé dans un but de contraception.»

Si vous souhaitez en savoir plus, vous pouvez consulter ce tableau récapitulatif des indications au fil des années.

Pour le Stilboestrol Borne, en position minoritaire sur le marché… 

En 1952, en cas de « menace d’avortement », le texte prévoit un traitement de « 15 mg pro die jusqu’à la 20ème semaine. Augmenter la dose journalière de 5 mg par semaine jusqu’à la 36ème semaine ». De 1955 à 1973, la posologie pour « avortement habituel » est de « 20 à 25 mg par jour jusqu’au 8ème mois. Si l’avortement menace, donner 5 à 10 mg toutes les heures jusqu’à l’arrêt des contractions utérines ».

Une autre indication liée aux grossesses a été relevée de 1952 à 1973 : « Pour arrêter les vomissements incoercibles de la grossesse : 5 mg par jour (en 1952 : «pendant 10 jours» ; de 1955 à 1973 : « jusqu’à l’effet obtenu »).

En 1974, le Stilboestrol Borne ne figure plus au Vidal.

Si vous souhaitez en savoir plus, vous pouvez consulter ce tableau récapitulatif des indications au fil des années.

Remarques :

Si on ne dispose pas du dossier médical complet de la mère, il faut se garder de supputer que le traitement prescrit a bien été celui préconisé. Vos témoignages nous avaient déjà appris que les médecins ne suivaient pas strictement les posologies préconisées dans le Vidal. L’étude publiée en mai 2012 sur les doses de DES prescrites en France a montré que les prescriptions ont souvent été stoppées après le 1er trimestre de grossesse, la période la plus à risques étant terminée.

• On peut noter que, si, aux États- Unis, le DES a tout d’abord été autorisé pour les femmes enceintes souffrant de diabète, cette indication ne figure jamais dans le Vidal.

Indications en dehors des grossesses

Le Distilbène et le Stilboestrol Borne étaient conseillés pour stopper la lactation après l’accouchement, ainsi que pour différents troubles des règles et de la ménopause.

Dans le texte « Distilbène », d’autres indications figuraient : la stérilité, la frigidité (de 1953 à 1960), certaines morphologies des seins : comme l’hypoplasie mammaire (seins petits) ou la ptose mammaire (seins tombants).

L’indication « cancer du sein avec métastases » (de 1953 à 1960) puis « cancer du sein, 5 ans au moins après la ménopause » (de 1962 à 1980) fait ressortir l’avancée des connaissances médicales, puisqu’aujourd’hui certains traitements du cancer du sein sont anti-hormonaux.

La « contre-indication absolue : tumeurs malignes du sein ou de l’utérus » apparaît dans l’édition 1983.

Les indications de Distilbène chez la femme en dehors des grossesses, ont disparu en 1981 et 1982, pour réapparaître en 1983. En 1984, le Distilbène n’est plus commercialisé par UCB, mais par les laboratoires Gerbiol. C’est à partir de cette année-là qu’on peut lire que « ce médicament n’a pas d’indication chez la femme. ».

Jusqu’en 2018, le Distilbène est resté commercialisé, par le laboratoire Gerda, uniquement pour traiter certains cancers de la prostate.

Diversité des présentations du DES

Distilbène et… Furostilbestrol 

Une surprise fut de découvrir un autre nom commercial du DES : une forme retard de Distilbène a été commercialisée par UCEPHA de 1962 à 1971, sous le nom de Furostilboestrol. Ces ampoules injectables de 100 mg assuraient « une imprégnation régulière pendant 27 à 28 jours ». Nous pouvons toutefois espérer que cette forme a été peu utilisée, puisque ce nom commercial ne nous avait pas été été communiqué par nos adhérentes, ou lors de témoignages. Cette information est néanmoins importante pour les personnes qui entreprennent des recherches de dossier de suivi de grossesse de la mère.

Distilbène

Le produit fut commercialisé sous forme de dragées (1mg, 5mg et 25 mg), d’ovules suppositoires qui pouvaient être utilisés par voie vaginale ou rectale (1mg, 5 mg et 25 mg), sous forme injectable (ampoules de 2,5mg, 5 mg et flacons multidose de 50mg-5cm3), de gouttes, de pommade, de pellets (comprimés pour implant à 25 mg, 100 mg et 500 mg).

Si vous souhaitez en savoir plus, vous pouvez consulter ce tableau récapitulatif des présentations au fil des années.

Stilboestrol Borne

Le produit a été disponible sous forme de comprimés (1/10mg, 1mg, 5mg et 20 mg), de suppositoires-ovules qui pouvaient être utilisés par voie vaginale ou rectale (de 5mg, 10mg, 25mg, 50 mg), d’ampoules huileuses injectables en intra-musculaire (2,5 mg, 10 mg), de comprimés pour implant (15 mg et 100 mg).

Si vous souhaitez en savoir plus, vous pouvez consulter ce tableau récapitulatif des présentations au fil des années.