Quelles décisions ont été obtenues en France et dans le Monde ?

Mise à jour : 9 décembre 2021

En France, les laboratoires ont été condamnés pour faute, après expertise de littérature médicale d’avant la naissance des plaignantes. 

Les combats menés par les “filles DES” ont permis des avancées du droit : prise en compte de dommages sur trois générations, renversement partiel de la charge de la preuve…

Aux Etats-Unis, l’affaire du DES est à l’origine de la “Market share liability”, et aux Pays-Bas, de la loi “Règlement collectif de dommages de masse”.


Historique des procès

1991 – 2006 – Premières procédures

L'attente des victimes du Distilbène

Les premiers dossiers engagés en justice l’ont été par des jeunes femmes touchées par un cancer du col utérin ou du vagin. Elles disposaient de dossiers complets :

  • avec des preuves de leur exposition in utero au Distilbène (ex. : ordonnances) 
  • leurs comptes-rendus médicaux précisaient bien qu’elles avaient développé un Adénocarcinome à Cellules Claires (ACC) et mettaient en lien la survenue de ce cancer avec leur exposition in utero au DES. 

NB : 1971 : une date importante à avoir en mémoire, pour la compréhension de ces parcours judiciaires. Le lien scientifique entre exposition in utero au DES et survenue de cancer ACC du col ou du vagin a été publié en avril 1971 (Herbst et al.).

1991 

Deux « filles DES » atteintes d’un Adénocarcinome à Cellules Claires (cancer ACC) du vagin ou du col utérin engagent une action judiciaire en responsabilité civile contre le laboratoire UCB Pharma qui a commercialisé en France le diéthylstilboestrol sous l’appellation Distilbène. 

Elles seront rejointes quelques années après par deux autres jeunes femmes, elles aussi touchées par un cancer ACC. 

Juin 1994

Première plaidoirie. 

Septembre 1994

Premier jugement, qui ne tranche pas sur le fond du litige et ne se prononce pas sur la responsabilité du laboratoire UCB Pharma, mais ordonne :

  • Une expertise sur le lien pouvant exister entre l’exposition in utero au Distilbène et l’ACC,
  • Une expertise médicale pour dresser l’état des connaissances médicales relatives au DES avant la naissance des plaignantes. 

Fin 1999 : dépôt du rapport des experts. 

Cette expertise a été hors normes : par le nombre d’experts et de sapiteurs (11 au total), par la diversité de leurs spécialités (gynécologie, épidémiologie, embryologie, pharmacologie, anatomopathologie, cancérologie, médecine légale), par le temps nécessaire à la rédaction de l’expertise (5 ans) et justifié par la lecture d’une littérature abondante, avec des frais de traduction considérables. 

Dans ce rapport, les experts ont démontré que le bénéfice attendu du DES dans le traitement du risque de fausse couche était nul et que l’exposition in utero à l’hormone de synthèse constituait un facteur majeur de risque d’ACC.

2000

Les avocates des plaignantes assignent le laboratoire UCB Pharma pour faute et défaut de respect de l’obligation de sécurité du professionnel du médicament. 

Le laboratoire crée alors des incidents de procédure. Par exemple, il demande que les plaignantes apportent la preuve que le Distilbène a bien été acheté après avoir été prescrit, ce qui revient à faire produire les extraits de registre de pharmacie. 

24 mai 2002 (dossiers des deux jeunes femmes nées après 1971)

Le jugement du Tribunal de Grande Instance de Nanterre : 

  • reconnaît la responsabilité du laboratoire UCB Pharma : « la preuve du rôle causal du Distilbène auquel…(les requérantes) ont été exposées in utero… est ici rapportée par présomptions graves, précises et concordantes suffisantes ». 

⇒ UCB Pharma fait appel de cette décision portant sur le fond du dossier. 

  • ordonne une expertise médicale complémentaire des jeunes femmes, pour préciser ensuite le montant des dommages-intérêts auxquels elles peuvent prétendre. 

14 novembre 2003 (dossiers des deux jeunes femmes nées avant ou en 1971)

Pour la seconde fois, le Tribunal de Grande Instance de Nanterre : 

  • déclare le laboratoire UCB Pharma entièrement responsable du préjudice subi par les deux autres jeunes femmes exposées au Distilbène pendant la grossesse de leur mère. 

⇒ UCB Pharma fait appel de cette décision portant sur le fond du dossier. 

  • ordonne une expertise médicale complémentaire des jeunes femmes. Il s’agit d’éclairer le TGI quant au montant des dommages-intérêts auxquels elles peuvent prétendre. 

Février et avril 2004 

Que ce soit pour les dossiers des jeunes femmes nées après 1971, ou celles nées avant ou en 1971 : 

  • La Cour d’Appel de Versailles confirme le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Nanterre et retient la responsabilité du laboratoire UCB Pharma en se fondant sur une série de fautes commises, notamment le maintien du produit nocif sur le marché alors que son inefficacité était connue dès 1953.
    ⇒ UCB Pharma se pourvoit en cassation.
  • UCB Pharma tente de faire récuser le collège d’experts constitué suite aux décisions du TGI de mai 2002 et novembre 2003. 

15 juin 2004

Le Tribunal de Grande Instance de Nanterre refuse la demande de récusation du collège des experts. Les travaux en cours pourront donc bien être pris en compte. 

Novembre 2004 

Les rapports d’expertises complémentaires ordonnées par le TGI sont remis aux juges. 

10 juin 2005

Le Tribunal de Grande Instance de Nanterre condamne le laboratoire UCB Pharma à payer des dommages-intérêts aux jeunes femmes atteintes de cancers (dommages-intérêts allant de 44.000 € à 263.000 €). 

Pour la première fois, deux de ces jeunes femmes, estimant que les sommes mises à la charge du laboratoire ne compensent ni les souffrances qu’elles ont endurées jusqu’alors, ni la vie qui se dessine maintenant pour elles, décident de saisir la Cour d’Appel de Versailles. 

7 mars 2006 – Décisions de la cour de cassation : une jurisprudence majeure.

La cour de cassation met un terme à 15 ans de procédure en rejetant les pourvois d’UCB Pharma. Dans deux arrêts, la haute juridiction confirme les décisions de la Cour d’Appel de Versailles :

  • en reconnaissant le lien de causalité entre exposition in utero au DES et cancer ACC. 
  • en estimant que le laboratoire UCB Pharma a manqué à son « obligation de vigilance ».

Ces arrêts sont “publiés au Bulletin”, ce qui renforce leur impact quant à la jurisprudence. 

Ces questions de fond sont alors définitivement gagnées, mais le montant des indemnisations à attribuer à ces jeunes femmes reste à définir. L’examen de leurs dossiers n’est donc pas terminé. 

21 décembre 2006 

La Cour d’Appel de Versailles revoit à la hausse les dommages-intérêts attribués aux plaignantes et à leur famille. 

2002 – 2006 et 2002 – 2014 : zoom sur deux dossiers particuliers (cancers ACC)

La première victoire obtenue auprès du TGI de Nanterre, en mai 2002, encourage d’autres jeunes femmes à présenter leur dossier à la justice. 

Ainsi, Catherine, qui assigne UCB Pharma en juin 2002 

26 novembre 2004

Tenue du procès.  Catherine ne peut assister à la plaidoirie et décède 2 jours après, des suites du cancer ACC, lié à son exposition in utero au DES.

17 décembre 2004

Catherine n’a pas pu entendre le Tribunal prononcer la responsabilité pour faute du laboratoire UCB Pharma, à qui un manque de vigilance et toute une série de fautes d’imprudence et de négligence sont reprochées. 

⇒ Le laboratoire UCB Pharma fait appel de cette décision. 

21 décembre 2006

La Cour d’Appel de Versailles statue sur plusieurs dossiers, dont celui de Catherine.

Elle revoit à la hausse les dommages-intérêts attribués à 8 plaignantes et à leur famille. 

L’une des demandes faites à la Cour était la reconnaissance du préjudice de contamination, lequel devait, de façon complémentaire, compenser la crainte de l’aggravation d’une maladie évolutive et les angoisses d’une exposition à un médicament dont l’ensemble des séquelles font à ce jour l’objet d’études.

La Cour n’a accordé cette reconnaissance que pour le dossier de Catherine.

2002 – 2014, un dossier à l’origine d’une jurisprudence majeure

Il s’agit d’une jeune femme ayant eu un cancer ACC à 21 ans, mais ne disposant pas de document (tel qu’ordonnance ou extrait de registre de pharmacie) prouvant que le Distilbène ou le Stilbestrol-Borne avait été prescrit à sa mère. 

2002 – 2006 

Assignation au TGI de Nanterre, qui ordonne en octobre 2004 une expertise médicale. 

Le rapport d’expertise remis en mars 2006 conclut que cette jeune femme a bien été exposée in utero au DES, et que cette exposition est à l’origine du cancer ACC.

Janvier 2007 

Le TGI de Nanterre reconnaît la responsabilité d’UCB Pharma et condamne la firme à verser 229 000 € de dommages-intérêts. 

⇒ UCB Pharma fait appel

Avril 2008

La Cour d’Appel déboute la jeune femme au motif qu’elle ne rapporte pas la preuve d’avoir été exposée soit au Distilbène, soit au Stilbestrol-Borne, soit aux deux produits. En l’absence de preuve indiquant lequel des deux laboratoires peut être jugé responsable de la survenue des préjudices qu’elle vit, aucun des deux n’est condamné. 

La jeune femme est condamnée à rembourser les sommes attribuées en 1ère instance, ainsi qu’à régler les dépens du TGI et de Cour d’Appel.  

⇒ Elle se pourvoit en cassation. 

24 septembre 2009 – Victoire 

La Cour de cassation a inversé partiellement la charge de la preuve au bénéfice de jeune femme. Cet arrêt fait jurisprudence dans les dossiers où l’exposition in utero au DES est reconnue par les experts, mais où la plaignante ne dispose pas d’un « document source » prouvant son exposition in utero à l’un des deux médicaments « Distilbène » ou « Stilboestrol Borne ». 

⇒ La Cour de cassation a renvoyé le dossier devant la Cour d’Appel de Paris. 

26 octobre 2012

La Cour d’appel de Paris a condamné solidairement UCB Pharma et Novartis, ayant commercialisé le DES en France, à indemniser cette jeune femme, victime du DES, à hauteur de 188 000 euros (soit 41000 euros de moins qu’en première instance). 

UCB Pharma et Novartis ont été condamnés à verser chacun 50% des sommes attribuées par la Cour d’Appel

A partir de 2002, d’autres dossiers sont engagés 

Des femmes ayant subi d’autres conséquences de leur exposition au DES, telles que stérilité ou accouchement prématuré, engagent des dossiers. 

Leurs combats permettront par exemple d’obtenir que des enfants “petits-enfants DES” vivant des séquelles de leur naissance prématurée, soient reconnus. 

Leurs parcours judiciaires restent longs, les laboratoires – et leurs assureurs – ayant une politique quasiment systématique d’épuisement des victimes en se pourvoyant d’appel en cassation. 

La rubrique “jurisprudence” du site vous en dira davantage. 


Toute la jurisprudence 

La jurisprudence est l’ensemble des décisions de justice appliquant, interprétant, précisant le sens des textes de droit. Le terme “jurisprudence” désigne également la solution faisant autorité, donnée par un juge ou une juridiction à un problème de droit.

Jurisprudence Distilbène

Sur la responsabilité des laboratoires  : Décisions de la cour de cassation en 2006

Le 7 mars 2006, la cour de cassation a rendu des arrêts concernant les procédures intentées par deux «filles DES» touchées par un cancer ACC.

La haute juridiction a confirmé les décisions de la Cour d’Appel de Versailles :

  • en reconnaissant le lien de causalité entre exposition in utero au DES et cancer ACC.
  • en estimant que le laboratoire UCB Pharma a manqué à son « obligation de vigilance » (n’ayant pas tenu compte de « la littérature scientifique faisant état dès les années 1953-1954 de la survenance de cancers très divers et compte tenu d’expérimentations animales qui démontraient que le risque carcinogène était connu »).

En France, il n’y a plus besoin de faire la preuve de ce point juridique important. Cette reconnaissance, obtenue par des « filles DES » victimes d’un ACC, bénéficie maintenant à toutes les victimes du Distilbène.

Consulter l’Arrêt de la Cour de cassation du 7 mars 2006, concernant la jeune femme née en 1968

Consulter l’Arrêt de la Cour de cassation du 7 mars 2006, concernant la jeune femme née en 1974 

Sur la preuve de l’exposition au DES : décisions de la cour de cassation en 2009, 2010, 2011, 2019

S’il y a une avancée certaine, ces décisions ne sont malheureusement pas toutes favorables aux plaignantes.

24 septembre 2009 : 2 arrêts différents dans des dossiers de cancers ACC, publiés au Bulletin.

La Cour d’Appel de Versailles avait débouté deux jeunes femmes victimes d’un cancer ACC (cancer spécifique lié à une exposition in utero au DES) parce qu’elles n’apportaient pas la preuve de la prise du médicament par un document contemporain de la grossesse de leur mère.

⇒ les deux jeunes femmes s’étaient pouvues en cassation.

Pour l’un des dossiers, la Cour de cassation a cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l’arrêt de la cour d’appel de Versailles.

Elle a considéré que, l’expertise ayant confirmé : 

– l’exposition in utero au DES, 

– ainsi que le DES avait bien été la cause directe du cancer ACC de la plaignante, 

il appartenait à chacun des deux laboratoires de prouver que son produit n’était pas à l’origine du dommage.

La Cour de cassation a donc inversé la charge de la preuve au bénéfice de la plaignante, se prononçant ainsi sur une vraie question de principe. Cet arrêt fait jurisprudence dans les dossiers où l’exposition in utero au DES est reconnue par les experts. 

L’affaire a été renvoyée devant la Cour d’appel de Paris, qui a de nouveau statué sur le fond du dossier, le 26 octobre 2012, en confirmant l’arrêt de la cour de cassation, et en condamnant solidairement les deux laboratoires ayant commercialisé le DES en France. 

Le parcours judiciaire de cette jeune femme s’est terminé après ce 4ème procès car Novartis, qui avait décidé de se pourvoir à nouveau en cassation, a finalement renoncé. 

Pour lire cet arrêt de la Cour de cassation, cliquez ici. 

Dans l’autre dossier, la Cour de cassation a débouté la plaignante. 

L’arrêt rendu a été établi dans une stricte lecture du Droit, la cour de cassation considérant qu’elle n’avait pas à juger au fond de l’appréciation faite par la Cour d’appel de la portée et de la valeur des éléments de preuve.

Nous regrettons que cette jeune femme n’ait pas eu la possibilité d’être confrontée à des experts médicaux qui auraient pu alors confirmer que son cancer était bien en lien avec son exposition in utero au DES. 

Pour lire cet arrêt de la Cour de cassation, cliquez ici.

28 janvier 2010 : nouvel arrêt favorable à une plaignante, publié au Bulletin

La Cour de cassation a de nouveau affirmé qu’«en cas d’exposition de la victime à la molécule litigieuse, c’est à chacun des laboratoires qui a mis sur le marché un produit qui la contient qu’il incombe de prouver que celui-ci n’est pas à l’origine du dommage».

La plaignante, «jeune femme DES» porteuse d’une malformation utérine, s’était vue déboutée par le Tribunal de Grande Instance de Nanterre puis par la Cour d’appel de Versailles dans ses demandes d’expertise et d’indemnisation, au motif que, n’apportant pas de preuve de son exposition in utero au Distilbène® ou au Stilboestrol®, elle ne pouvait assigner solidairement les laboratoires ayant commercialisé le DES.

La Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu le 12 juin 2008 par la cour d’appel de Versailles. Elle remet, «en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit l’arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris».

Cet arrêt constitue une réaffirmation du principe déjà posé par la haute cour dans l’un de ses deux arrêts du 24 septembre 2009, instaurant une responsabilité solidaire des laboratoires ayant commercialisé le DES en France. Cependant, même si cette jurisprudence favorable est mise en œuvre, il ne faut pas perdre de vue que la charge de la preuve de l’exposition in utero au DES reste toujours impartie aux victimes.

Or, le 26 octobre 2012, la Cour d’appel de Paris n’a pas ordonné de mesure d’expertise, et a confirmé le jugement du Tribunal de Grande Instance de Nanterre. 

Pour lire cet arrêt de la Cour de cassation, cliquez ici.

12 octobre 2011 : arrêt défavorable à une plaignante. 

La Cour de cassation déboute la plaignante au motif à la fois d’une absence de preuve de l’exposition à ce médicament et du fait qu’elle avait une pathologie fréquente.

Extrait de la dépêche publiée avec l’aimable autorisation de l’agence de presse APM International.

Le DES a été associé, chez les femmes exposées in utero, à un risque de problèmes liés à la reproduction (cancers, malformations génitales, infertilités, complications de la grossesse). La difficulté pour les femmes exposées in utero à ce produit est d’arriver à prouver que leur mère a bien pris le médicament durant la grossesse. Plusieurs dizaines d’années après, les preuves ont souvent disparu. 

Ces dernières années, le Cour de cassation a rendu plusieurs arrêts sur ce sujet, qui n’allaient pas tous dans le même sens ; néanmoins, plusieurs arrêts avaient inversé la charge de la preuve en affirmant que c’était aux laboratoires de prouver que la plaignante n’avait pas été exposée à leurs produits.

Mais dans ces affaires, les plaignantes souffraient dans un cas d’un Adénocarcinome à Cellules Claires, pathologie rare et dont le risque est fortement augmenté par le DES, et dans l’autre cas d’un type de malformation utérine laissant supposer une exposition, auquel s’ajoutaient des éléments suggérant que la grossesse était spécialement surveillée et avait pu faire l’objet d’une prescription de diéthylstilbestrol, note-t-on.

Dans l’affaire dont le pourvoi par la plaignante vient d’être rejeté, le seul élément en faveur de l’exposition au DES était que sa mère l’affirmait, mais il n’y avait pas de preuve matérielle.

Elle présentait un utérus bicorne. La Cour de cassation a suivi le raisonnement de la Cour d’appel de Versailles qui avait estimé qu’il s’agissait de « l’anomalie utérine la plus fréquente » et qu' »il n’était pas établi que le diéthylstilbestrol fût la seule cause possible » de cette pathologie.

De même, alors que cette personne a eu des fausses couches et des grossesses difficiles, ces problèmes étaient « susceptibles d’avoir d’autres causes indépendantes de l’administration d’une hormone de synthèse ».

Pour lire cet arrêt de la Cour de cassation, cliquez ici.

11 décembre 2019 : arrêt favorable 

Dans ce dossier, les experts avaient reconnu l’exposition in utero au DES de la plaignante, ainsi que le lien de causalité entre son exposition et les préjudices. 

Les laboratoires ont été déboutés de leur demande : 

“Attendu que les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline font grief à l’arrêt de les déclarer responsables in solidum des dommages résultant de l’exposition in utero au DES et de les condamner in solidum à payer à Mme P… différentes sommes, en son nom personnel et ès qualités, ainsi qu’à M. P… et à la caisse ;

Attendu, d’abord, que l’arrêt relève que, si aucune prescription d’un médicament contenant du DES n’a pu être retrouvée, les pièces du dossier médical de Mme P…, composé d’examens et comptes rendus de plusieurs praticiens, établissent qu’elle a été suivie pour une suspicion d’exposition in utero au DES, que, selon les experts, plusieurs éléments conjugués rendent vraisemblable cette exposition, lesquels, même si l’intéressée ne présente pas d’utérus en forme de T, tiennent à des anomalies morphologiques de l’utérus évoquées par des images utérines et décrites dans la littérature, à une fréquence élevée de grossesses extra- utérines, à la présence d’adénose cervicale et à l’échec des diverses tentatives de fécondation in vitro et d’implantation, que les autres causes susceptibles d’être associées à ces pathologies peuvent être écartées et que Mme P… apporte ainsi, par un faisceau d’indices graves, précis et concordants, en l’absence d’autres causes établies à l’origine de sa pathologie, la preuve de son exposition in utero au DES ;

Attendu, ensuite, que l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les experts ont admis un rapport de causalité entre l’exposition in utero de Mme P… au DES et les anomalies par elle présentées ainsi que son infertilité, en se fondant sur la somme des critères étudiés ; qu’il relève qu’au vu de ces éléments, il existe des présomptions graves, précises et concordantes que cette exposition en soit la cause ;

Attendu qu’en l’état de ces constatations et énonciations souveraines, la cour d’appel a pu tenir pour certain que Mme P… avait été exposée in utero au DES et que les anomalies présentées et son infertilité avaient été causées par cette exposition et en déduire, sans inverser la charge de la preuve, qu’en l’absence de preuve par les sociétés UCB Pharma et Glaxosmithkline que le dommage n’était pas imputable à leur produit, leur responsabilité était engagée ; que le moyen n’est pas fondé ;” 

Pour consulter l’arrêt de la Cour de Cassation, cliquez ici

Sur la demande d’expertise : arrêts de la Cour de Cassation du 19 mars 2009

La cour de cassation a rendu 3 arrêts dans des dossiers de malformations gynécologiques, qui ont en commun plusieurs éléments : 

  • les demanderesses porteuses de malformations gynécologiques n’apportent pas la preuve de leur exposition in utero au DES, par un document contemporain de la grossesse de leur mère ou un certificat du médecin prescripteur.
  • le Tribunal de Grande Instance de Nanterre avait ordonné l’expertise médicale des demanderesses. Pour cela, il avait rendu un jugement AVANT DIRE DROIT, c’est-à-dire qui ne tranchait aucunement le fond du litige.

C’est de cette première décision du TGI qu’UCB Pharma avait interjeté appel. Les expertises ordonnées avaient été suspendues. 

La Cour d’appel avait accueilli la demande d’UCB Pharma :

  • d’une part, parce que les demanderesses n’apportaient pas la preuve dont elles ont la charge.
  • d’autre part, parce que, en droit français, les conditions permettant de rendre solidairement responsables les deux laboratoires n’étaient pas remplies. 

Les plaignantes avaient été déboutées et condamnées aux dépens des frais de justice de première instance et d’appel. Elles s’étaient sont alors pourvues en cassation.

Le 19 mars 2009, la Cour de cassation a :

  • déclaré irrecevable l’appel interjeté par UCB pharma, car la décision attaquée « avait la nature d’un jugement avant dire droit ».
  • « dit n’y avoir lieu à renvoi » : c’est donc au TGI de Nanterre que la procédure a pu reprendre, là où elle s’était arrêtée. 

Le risque procédural existait toujours pour ces dossiers : la reconnaissance d’un préjudice lié à une exposition in utero au DES dépend du rapport réalisé par les experts médicaux, 

En ce qui concerne la question de l’absence de document contemporain de la grossesse de la mère prouvant la prise du médicament Distilbène ou/et Stilboestrol : la cour de cassation a apporté des réponses le 24 septembre 2009, puis en 2010 et 2011. 

Pour lire ces arrêts de la Cour de cassation, cliquez ici, ici, et ici.

Sur la condamnation solidaire des deux laboratoires : arrêts de la Cour d’Appel de Paris en 2012, de la Cour d’Appel de Versailles en 2016

Cour d’Appel de Paris, 26 octobre 2012

Deux dossiers pour lesquels les plaignantes avaient obtenu gain de cause en Cour de cassation en septembre 2009 et janvier 2010, avaient été renvoyés devant la Cour d’Appel de Paris.

Le point commun à ces deux dossiers est que les victimes ne pouvaient pas prouver quel médicament avait été pris par leur mère : Distilbène (laboratoire UCB Pharma) ou Stilbestrol-Borne (laboratoire Novartis). 

Celle-ci a rendu ses décisions le 26 octobre 2012. Un dossier a été gagné par la plaignante, mais la seconde personne a été déboutée de ses demandes. 

Dans le dossier gagné, les deux laboratoires ayant commercialisé le DES en France, UCB Pharma et Novartis, ont été condamnés solidairement à indemniser la victime, à verser chacun 50% des sommes attribuées par la Cour d’Appel

Décision de la Cour d’Appel de Versailles du 30 juin 2016

Dans ce dossier, le laboratoire Novartis a pu prouver qu’en 1968, année de naissance de la plaignante, la part de marché du Stilbestrol-Borne était de moins de 2%. 

La Cour d’Appel a suivi le jugement rendu en avril 2014, par le TGI de Nanterre, en confirmant la condamnation solidaire des deux laboratoires ayant commercialisé le DES en France et en condamnant UCB Pharma à verser 95% des dommages-intérêts attribués à la victime, et Novartis, aux  5% restants.

Extrait de la décision : “ Néanmoins, la responsabilité in solidum des deux laboratoires est en réalité fondée, non sur un lien de causalité strictement entendu, mais sur une présomption d’imputabilité à une prise de risque fautive, soit en d’autres termes sur une probabilité que l’un ou l’autre des responsables présumés soit l’auteur du dommage, à raison de la faute commise.

Or le risque imputable à Novartis est, au vu de sa part de marché, bien moindre. Ce laboratoire est donc bien fondé, dans ses rapports avec son co-responsable, à demander que la contribution à la dette soit proportionnelle au risque qui lui est imputable, dont on ne voit pas comment elle pourrait être appréciée si ce n’est par référence à leurs parts de marché respectives.

Le tribunal sera donc approuvé d’avoir retenu ce critère, étant observé que la faculté reconnue à l’un des auteurs présumés de rapporter la preuve que son produit n’est pas la cause du dommage demeure, en sorte que le grief relatif à la violation de ses droits fondamentaux résultant de l’application d’un tel critère évoquée par UCB Pharma n’est pas démontré.

En ce qui concerne la détermination de la part de marché respective des deux laboratoires, la cour constate que, contrairement à l’opinion exprimée par UCB Pharma, les éléments produits sur ce point sont suffisamment précis, en ce que, notamment, ils comprennent des données concernant la période de grossesse de Mme Y…, en sorte qu’il n’existe, en l’espèce, aucune réelle difficulté pour cerner la part de marché respective des deux laboratoires. Elle adopte sans aucune réserve les motifs pertinents retenus sur ce point par le tribunal.” 

Dossiers “Petits-enfants DES” : décisions rendues en 2009 et 2011

La justice a rendu des jugements dans deux dossiers de « petits-enfants DES » souffrant des séquelles de leur naissance prématurée. 

Dans ces deux dossiers :

– les demanderesses ont produit la preuve de leur exposition in utero au DES par un document-source (contemporain de la grossesse de leur mère).

– L’expertise médicale a conclu que :

o les anomalies morphologiques des plaignantes étaient bien à la fois la conséquence de leur exposition in utero au DES et l’unique cause de la naissance prématurée de leur enfant,

o l’ensemble des anomalies et séquelles présentées par ces enfants sont bien en rapport direct et certain avec leur grande prématurité. Il n’y a pas d’autre cause (maladie ou accident) rapportée dans les pièces médicales pouvant interférer avec les handicaps qu’ils présentent.

Le premier dossier concerne une enfant née en 1997, au cours du 6ème mois de grossesse (à 24 Semaines d’Aménorrhée + 4 jours). 

La première assignation d’UCB Pharma en justice date de fin 2002. 

En 2005, le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Nanterre a fait droit à la demande de la victime quant à ses propres préjudices (perte d’un premier enfant à 22 SA et 3 jours) mais a dit n’y avoir lieu à aucune mesure d’expertise pour sa fille de 8 ans, la consolidation de son état n’intervenant qu’à son 20ème anniversaire. 

UCB Pharma comme la demanderesse ont interjeté appel :

– UCB Pharma sur le fond (refus de toute responsabilité)

– la demanderesse pour obtenir qu’une première expertise de sa fille soit ordonnée sans attendre la consolidation, car c’est depuis sa naissance et tous les jours qu’une prise en charge spécifique lui est nécessaire. 

Le 21 décembre 2006, la Cour d’appel a débouté UCB Pharma de sa demande et ordonné la mesure d’expertise de l’enfant, dont le rapport a été examiné par le TGI en mars 2009.

L’enfant pesait 700 g à la naissance. Durant les quatre mois de son séjour en service néonatal, elle a présenté de nombreuses complications. Sa sortie de l’hôpital s’est faite avec un suivi important. Aujourd’hui, de nombreuses prises en charge hebdomadaires restent nécessaires. Au terme des conclusions d’expertise, elle présente : une infirmité motrice cérébrale qualifiée de mineure, des troubles cognitifs (difficultés d’apprentissage du langage écrit et oral, de la lecture, une dyscalculie, ainsi qu’un trouble dysexécutif), des troubles comportementaux avec déficit de l’attention et impulsivité, des anomalies ophtalmologiques, des cicatrices multiples. 

Le jugement du 10 avril 2009 intervient donc 4 ans après la toute première décision. Il est accordé à l’enfant, à titre provisionnel, une indemnité de 70 000 €.

Le second dossier concerne un enfant né en 1990, au cours du 6ème mois de grossesse (à 26 Semaines d’Aménorrhée)

Le début de la procédure remonte également à 2002. L’assignation en justice portait alors sur une demande d’indemnisation du préjudice personnel de la demanderesse. Le TGI l’a déboutée, sans prononcer de mesure d’expertise, parce que le délai de prescription (10 ans après la connaissance du dommage) était dépassé. 

En 2005, en tant que représentante de son fils handicapé, elle a de nouveau assigné UCB Pharma en justice. Une mesure d’expertise « avant dire droit » a été ordonnée par le TGI environ 18 mois après cette nouvelle assignation, l’état de son fils de 18 ans étant considéré comme proche de la consolidation. 

Il souffre d’un handicap à 80% et ne sait ni lire ni compter. Il se déplace en fauteuil roulant et a besoin d’une assistance en permanence. 

Le 10 avril 2009, le TGI a reconnu l’existence du préjudice de l’enfant victime. Les montants alloués représentent environ deux millions d’euros pour le préjudice, auxquels s’ajoute une rente à vie de 14.000 euros par trimestre pour une « assistance tierce personne ». UCB Pharma devra aussi verser près de 500.000 euros à la plaignante et à son époux. UCB Pharma (conformément à ce qu’il avait annoncé quasiment dès le début de l’audience du 13 mars…..) a décidé de faire appel.

Le 9 juin 2011, la Cour d’Appel de Versailles a, à son tour, reconnu le laboratoire responsable. 1,7 million d’euros de dommages et intérêts seront finalement versés à cette famille. 

Cette décision est d’autant plus importante que c’est la première fois qu’une Cour d’Appel se prononce sur le fond d’un dossier «Distilbène» touchant à la 3ème génération. L’arrêt pointe l’exemplarité du dossier, qui comporte bien toutes les preuves. La Cour d’Appel de Versailles a également confirmé la responsabilité du laboratoire UCB Pharma pour son manquement à son obligation de vigilance dans la mise sur le marché et la commercialisation du Distilbène en 1958, année où le DES fut prescrit à la grand-mère de cet enfant.

Sur le préjudice d’anxiété : décisions de la Cour de Cassation en 2014 et 2015

Parmi les demandes des femmes exposées in utero au DES, il y a la reconnaissance d’un préjudice d’anxiété, lié à la crainte de vivre de nouvelles éventuelles conséquences de leur exposition. De fait, le suivi gynécologique nécessaire à une femme exposée in utero au DES n’est pas un suivi « standard ». 

La notion de préjudice d’anxiété est reconnue, par exemple pour les victimes de l’amiante. Dès lors, on pourrait s’attendre à ce qu’elle le soit également concernant le DES. 

Toutefois, vous lirez ci-dessous que ce n’est pas nécessairement le cas. La Cour de Cassation a rendu trois arrêts concernant ce préjudice dans des « affaires Distilbène ». Ces décisions ne vont pas toutes dans le sens des personnes exposées au DES et illustrent la difficulté des procédures. 

Les juristes s’accordent à estimer qu’il ne faut pas renoncer à faire évoluer la jurisprudence sur ce point : il s’agit d’obtenir que ce principe même soit reconnu, indépendamment des sommes pouvant être accordées à ce titre. 

La première décision, rendue en juillet 2014, a reconnu le droit à réparation d’un préjudice moral spécifique lié à l’exposition in utero au DES. 

La personne concernée avait gagné son procès en 1ère instance, mais la Cour d’Appel l’avait ensuite déboutée, estimant que les problèmes de santé et l’accident de grossesse vécus par cette jeune femme, pouvaient avoir d’autres causes que son exposition in utero au DES. 

La Cour de Cassation, saisie par la jeune femme, a cassé partiellement l’arrêt d’appel, uniquement sur la question de la réparation du préjudice moral de la victime, en motivant sa décision de la manière suivante :

« […] quand elle avait constaté que Mme X… avait vécu, depuis son plus jeune âge, dans une atmosphère de crainte, d’abord diffuse, car tenant à l’anxiété de sa mère, médecin, qui connaissait les risques imputés à l’exposition de sa fille in utero au Distilbène, puis par les contrôles gynécologiques majorés, exigés et pratiqués lors des événements médicaux survenus, en raison de son exposition au DES, faisant ainsi ressortir que Mme X… avait subi, fût-ce dans le passé, un préjudice moral certain et en lien avec cette exposition, qu’elle se devait de réparer, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences de ses constatations… ».

Cette jeune femme avait réussi à prouver, lors de l’expertise médicale, le préjudice moral subi. Son dossier a été renvoyé en Cour d’Appel. Il convient voir si celle-ci suivra le raisonnement de la Cour de Cassation et, surtout, à quelle hauteur elle sera susceptible d’indemniser ce préjudice moral. 

Vous pouvez lire l’arrêt de la Cour de Cassation en cliquant ici

Deux autres décisions, rendues en décembre 2014 et juillet 2015, ne reconnaissent pas un préjudice spécifique d’anxiété. 

Les « jeunes femmes DES » concernées avaient gagné en Cour d’Appel. Dans leurs dossiers, avaient notamment été indemnisés :

* un déficit fonctionnel permanent

* ainsi qu’un préjudice d’anxiété (à hauteur de 1000 euros)

La Cour de Cassation, saisie par le laboratoire UCB Pharma, a considéré le préjudice d’anxiété tel qu’énoncé dans ces deux arrêts d’Appel, ne constituait pas un préjudice distinct du déficit fonctionnel permanent ni des souffrances endurées, par ailleurs indemnisés. 

Au nom du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, la Cour de Cassation a donc cassé partiellement ces deux arrêts, sur la question du préjudice d’anxiété. 

Le parcours judiciaire de ces deux « jeunes femmes DES » n’est pour autant pas terminé, leurs dossiers ayant été adressés en Cour d’Appel de renvoi

Vous pouvez lire les arrêts de la Cour de Cassation en cliquant 


“L’affaire du DES : moteur d’évolution du droit” 

C’était le titre de l’intervention de M. Laurent Neyret, lors du colloque “DES – Trois générations, réalités – perspectives” que nous avions organisé en 2010 au Palais du Luxembourg. 

Avancees Droit Distilbene France Monde

Aux Etats-Unis, la création de la Market share liability 

A la fin des années 70, les juridictions américaines ont été confrontées au dilemme lié à la distribution du DES par plus de 200 laboratoires. 

En 1980, la Cour suprême de Californie a rendu un arrêt favorable à une jeune femme exposée in utero au DES, ayant développé un cancer ACC. Celle-ci avait d’abord perdu le procès intenté auprès de l’un des laboratoires, ne pouvant prouver que le produit administré à sa mère était bien celui de la firme attaquée.

Les juges ont alors consacré une nouvelle théorie dite de la Market share liability : cela conduit à déterminer la responsabilité de chaque laboratoire par rapport à la part de marché qui était la sienne à l’époque des faits dans la vente du DES. Selon les juridictions saisies, la possibilité pour les laboratoires de se dédouaner de leur responsabilité était plus ou moins grande. 

Ici, certains laboratoires pouvaient renverser la présomption de responsabilité pesant sur eux en démontrant que la mère n’avait pas pris leur propre médicament, par exemple de forme et de couleur spécifique (V. M. Fabre- Magnan, Droit des obligations, 2010, p. 200. Action exercée contre 10 laboratoires : Supreme court of California, 20 mars 1980, 607 P 2d 924 [Cal 1980] Sindell v. Abott). 

Là, en revanche, d’autres laboratoires étaient condamnés sur le fondement de leur participation à la création d’un risque sanitaire global. Ils étaient responsables même s’ils prouvaient que leur médicament n’avait pas pu être pris par la victime (Court of Appeals of New York, Hymowitz v. Eli Lilly and co, 73 N. Y. 2d 487, 1989).

Aux Pays-Bas, une loi pour créer un fonds d’indemnisation

1986 

Six « filles D.E.S.» ayant eu un cancer intentent un procès à 10 sociétés pharmaceutiques néerlandaises. Leur but est d’obtenir réparation aux préjudices subis, mais également, de sensibiliser l’opinion publique au sujet du D.E.S.ainsi que sur la sécurité et l’efficacité des médicaments en général. Elles mettent en avant la notion de responsabilité collective des 10 firmes pharmaceutiques, véritable nouveauté juridique aux Pays-Bas.

Le 29 mars 1988 

A Amsterdam, s’ouvre le procès contre les sociétés pharmaceutiques. Son déroulement fait la une des journaux durant une semaine. 200 femmes se rendent au tribunal. L’industrie pharmaceutique nie toute responsabilité. Les 10 firmes démentent même le lien entre exposition au D.E.S. in utero et survenue de cancer ACC.

En 1992

La Haute Cour de Justice des Pays-Bas rend un arrêt stipulant qu’un plaignant DES pouvait attaquer en justice n’importe quelle entreprise connue pour avoir fourni le médicament à cette époque. Des négociations sont engagées avec 17 compagnies pharmaceutiques ainsi que leurs compagnies d’assurance.

En 2000

Un accord est conclu entre les laboratoires, leurs assureurs et le groupe DES ACTION des Pays-Bas : la création d’un fonds d’indemnisation est actée. 38 millions d’euros seront versés aux personnes touchées par les conséquences du D.E.S. 

En 2005, vote de la  loi « Règlement collectif de dommages de masse ».

Cette loi porte sur les indemnisations collectives des affections touchant un groupe de personnes et impose un recours commun, remplaçant ainsi les recours individuels devant les tribunaux. Cela permet d’obtenir une indemnisation financière sans s’engager personnellement dans un procès, qui est le plus souvent long, coûteux et émotionnellement difficile à vivre. Le montant du versement, qui peut être assimilé à une transaction, est déterminé au cas par cas et suivant une grille définie en concertation avec le DES Centrum. 

2006

Le 1er juin 2006, la Cour d’Amsterdam a jugé ce règlement comme étant « un accord raisonnable, bien fait et garantissant les intérêts des personnes concernées par le D.E.S. ».  Les personnes qui ne voulaient pas participer à ce mode de règlement collectif avaient jusqu’au 21 Septembre 2006 pour se prononcer. De leur côté, les entreprises pharmaceutiques et les assureurs avaient jusqu’en mars 2007 pour accepter définitivement cet accord. 

14 mars 2007, ouverture du “fonds DES”

17 000 « personnes D.E.S. » s’étaient déjà enregistrées. 

Une catégorie d’indemnisation a été déterminée pour chaque conséquence physique dont le lien avec le D.E.S. a été reconnu, telle que : adénose, grossesse extra-utérine, fausse-couche, accouchement prématuré, cancers ACC du col de l’utérus et du vagin, pour les «filles D.E.S.». Pour les «mères D.E.S.» : cancer du sein et pour les «fils D.E.S.» : kystes des testicules et hypospadias

L’importance des indemnisations dépend de la gravité des affections et du degré de certitude que le D.E.S. en est la cause. A titre indicatif, les montants d’indemnisation sont de 128.125 € pour un cancer ACC du vagin ou du col diagnostiqué avant 41 ans, 2.128 € pour un accouchement prématuré, 230 € pour un hypospadias

Les indemnisations sont avant tout ressenties comme la reconnaissance du fait que l’hormone DES n’aurait jamais dû être donnée à des femmes enceintes. Au fil du temps, d’autres conséquences de l’exposition au DES in utero, méconnues lors de la mise en place de ce fonds, sont devenues indemnisables (exemple : survenue d’un cancer ACC plus “tardif”  ou des séquelles d’une naissance prématurée). 

Ce fonds a pour avantage de permettre aux victimes du DES d’être indemnisées sans avoir à entreprendre un recours individuel devant les tribunaux. En revanche, il a pour défaut de forfaitiser les indemnités, de ne pas tenir compte de la diversité des préjudices individuels. 

En France

La reconnaissance de qualité de victime aux ‘filles DES”, c’est à dire à des personnes n’ayant pas de lien contractuel avec le laboratoire responsable de leurs préjudices

La première difficulté à laquelle se sont heurtées les “filles DES” s’étant engagées dans une procédure, fut d’obtenir que le droit français change : il ne prévoyait pas qu’une fille de la femme ayant absorbé le médicament puisse être reconnue en qualité de victime. En effet, s’agissant  d’une exposition in utero à un médicament délétère, la personne ayant un lien contractuel avec le laboratoire (la mère) n’est pas celle qui subit des préjudices. 

Ce fut l’un des aspects de l’article réalisé par Laurent Neyret. Son travail “La reconnaissance du préjudice d’exposition au Distilbène – note sous TGI Nanterre, 1re ch. B, 24 mai 2002,” fut publié dans la revue Dalloz (1).

  1. Laurent Neyret. La reconnaissance du préjudice d’exposition au Distilbène. Revue de droit sanitaire et social, Sirey, Dalloz, 2002, pp.502-517. ⟨halshs-00274066⟩

Le renversement partiel de la charge de la preuve 

Cette autre avancée importante dans le droit français fut obtenue avec un arrêt du 24 septembre 2009 de la Cour de Cassation, publié au Bulletin. 

La haute cour a considéré que, l’expertise de la plaignante ayant confirmé : 

– son exposition in utero au DES, 

– ainsi que le DES avait bien été la cause directe de sa pathologie (un cancer ACC), il appartenait à chacun des deux laboratoires de prouver que son produit n’était pas à l’origine du dommage.

La Cour de cassation a donc inversé la charge de la preuve au bénéfice de la plaignante, se prononçant ainsi sur une vraie question de principe. Cet arrêt fait jurisprudence dans les dossiers où l’exposition in utero au DES est reconnue par les experts.

L’affaire du DES : moteur d’évolution du droit – Texte de l’intervention de M. Neyret 

Ci-après, l’extrait des actes du colloque “DES – Trois générations, réalités – perspectives” que nous avions organisé en 2010 au Palais du Luxembourg. Cliquez sur la couverture pour consulter le document.

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